Unruly Objects
Projet

L’aile Denon du Louvre renferme certains des chefs-d'œuvre les plus célèbres au monde. Parmi eux, au sommet de l’escalier Daru, l'emblématique Victoire de Samothrace domine la pièce. Découverte en fragments en 1863, la sculpture vieille de 2000 ans, a fait l’objet de maintes restaurations avant d’être présentée au public sous la forme qu’on connaît encore aujourd’hui. La conservation des œuvres d’art, quelque soit leur nature, a toujours été un sujet central pour le monde muséal, et est en constante évolution. Anna Dumitriu explore les problématiques contemporaines liées au sujet, et questionne les protocoles déjà existants ; à travers son projet Unruly Objects, elle crée des objets expérimentaux croisant bio-art, histoire et technologie blockchain.
Loin d’être la seule à se pencher sur la question, l’artiste a initié son projet après des discussions avec ses collaborateur.rice.s de longue date. À l’origine, Veroniki Korakidou qui fait partie l'équipe du département des antiquités et objets d’art de l’université de West Attica d’Athènes, propose à Anna de réaliser le projet ensemble. Elle commence par rechercher les méthodes et processus de conservations, puis monte une équipe d’experts en conservation, microbiologie, et archéologie, avec qui elle peut partager le fruit de son travail. Au cours des conversations, Hélia Marçal (UCL) ) présente la notion de “unruly object” (objet indiscipliné), introduite dans une publication de Fernando Dominguez Rubio ; il définit les objets dits dociles, ceux qui ont un protocole de conservation comme les peintures ou sculptures, et les autres, dits indisciplinés. Anna a l’idée alors de créer des objets de bio-art, sa spécialité, dédiés à expérimenter différentes façons de les conserver.
Fin 2019, elle obtient un fonds de a-n bursary pour démarrer le projet, et planifie ses voyages pour Athènes, qu’elle annulera de nombreuses fois à cause de la pandémie de Covid-19. Désireuse de travailler avec l’équipe sur place, elle repousse l’échéance jusqu’en 2021 et se résigne à mener les rencontres en ligne, sans quoi, elle risque sa bourse. En parallèle de ses rendez vous, elle se procure des morceaux de marbre qu’elle apprend à sculpter pour les besoins du projet. Ceux-ci ont visiblement été lavés par l’eau de mer, détail qu’elle considère comme un clin d'œil aux antiquités grecques en marbre découvertes en mer et dont elle a déjà étudié le processus de conservation. De plus, Anna peut supposer que les marbres développent aussi un microbiote.


Elle se reporte aux commentaires des conservateur.rice.s afin de créer les pires spécimens d'œuvres d’art conservables, ou du moins, les plus problématiques. L’un des fléaux de la conservation sont les trous, connus pour accueillir des bactéries. Celles-ci sont perçues comme un danger, car elles peuvent se développer de façon imprévisible, et menacent de briser l'œuvre. Anna regarde donc les oeuvres d’art qui ont posé problème dans le passé, et étudie le cas d’Eva Hesse : dans les années 1960, ses sculptures étaient en latex souple et transparent, aujourd’hui elles sont jaunes et cassantes. Voudrait-elle que ses œuvres soient exposées de cette façon ? L’artiste est décédée jeune et n’a pas fait de déclaration à ce sujet, ce qui nous ramène à l’intention de l’artiste, un enjeu bel et bien contemporain.
Pourtant la question aurait pu se poser bien avant, les statues que nous contemplons dans les musées ont été elles aussi peintes autrefois. Seulement aujourd’hui nous disposons d’outils plus performants pour répondre à ces enjeux, et assurer une meilleure conservation. Anna et ses collègues s'intéressent à la technologie blockchain pour y remédier ; c’est une base de données numérique formée de blocs liés les uns aux autres, elle est transparente, immuable, sécurisée et décentralisée. L’idée serait d’intégrer une puce RFID aux objets (dont le fonctionnement est le même que pour nos cartes de crédit), qui renverrait à un NFT (non-fongible token, un certificat d’authenticité numérique unique et exclusif, issu de la blockchain) qui contiendrait toutes les données liées à l'œuvre, notamment au processus de création. Tous les dix ans, le conservateur.rice chargé.e de l'œuvre devra créer un nouvel NFT avec de nouvelles données liées à sa conservation ou à sa restauration. La théorie n’a pas encore été mise en pratique, et l’idée doit passer au stade expérimental.

Alors Anna perce une multitude de trous dans ses objets et réfléchit à la meilleure façon d’y incorporer des bactéries et des puces RFID. Pour ces dernières, elle choisit un modèle ancien pour leur esthétique faisant référence à la machine d’Anticythère ; considéré comme étant le premier ordinateur analogique datant d’au moins 87 avant J.C, elle symbolise le savoir ancien perdu. 2000 ans plus tard, la machine a été découverte dans une épave en mer Egée. Les parties ensevelies dans la boue ont été assez conservées pour nous permettre de comprendre l’utilité de l’objet, et le reste s’est décomposé. Anna a déjà reproduit une colonne de Winogradsky pour son projet, qui peut également être perçue comme une allusion à la machine antique ; composée de terre, écorce, papier journal, jaune et coquille d'oeuf, plâtre, et eau de pluie, on la couvre et la laisse macérer, jusqu’à ce que le tout devienne un écosystème bactérien autonome sous forme boueuse. Si son but initial est d’étudier des bactéries non isolées, elle nous montre l’importance de l’équilibre du microbiote dans la conservation des matériaux.
Bien que fixée grâce à de la résine dans un trou dédié et plus large, la puce RFID est reprogrammable à distance. Enfin, elle est recouverte de gelée d’agar puis peinte avec de la boue provenant d’une colonne de Winogradsky, qui a été inoculée avec l’ARN du SARS COV-2, une forme d’horodatage pour le projet. Ce dernier élément est un réactif inoffensif qui a été fourni par le NIBSC. Et pour compliquer les choses, Anna ajoute des graines de cresson dans les trous pour inciter le développement de plantes.
Au même moment, l’artiste est en résidence à l’université de Surrey où elle rencontre Simone Krings et Dr. Suzie Hingley-Wilson qui travaillent sur le latex vivant ; ce fluide contient des cyanobactéries qui ont la propriété de capturer le carbone, et donc ont un impact positif sur l’environnement. Pour l’intérêt croissant qu’elle lui porte et en hommage à Eva Hesse, Anna consacre aussi ses objets à l’expérimentation du latex vivant, et est soutenue par le National Biofilm Innovation Centre.

Elle a maintenant plusieurs séries d’objets indisciplinés, une imprégnée de latex vivant, et d’autres de bactéries et de graines. La première série comporte trois objets : un qu’elle garde pour le repeindre et y ajouter des graines, un autre est co-conservé par Zoi Sakki et Athanasios Karabotsos à l’université de West Attica, et le dernier vit dans une colonne de Winogradsky. Celui-là comporte un fil pour permettre à Anna de le repêcher à chaque fois qu’il doit être exposé. Une fois la boue grattée, c’est l’objet qui semble être le plus intact de la série. L’artiste est active quand il s’agit d’exposer Unruly Objects; elle fait un passage à The North Wall Gallery à Oxford, au Birmingham Dental Hospital Open Wide Gallery, et mène un atelier au V&A (ainsi qu'une exposition pop-up) dans le cadre du London Design Festival, pendant lequel une centaine de participant.e.s ont pu créer leur propre objet indiscipliné de marbre.
Les objets maintenant créés et en cours d’expérimentation, Anna peut se focaliser sur la conservation du bio-art. Avec le soutien financier de Arts Council England, elle peut rechercher les raisons pour lesquelles les musées refusent d’en intégrer dans leurs collections ; actuellement en discussions avec les conservateur.rice.s de ZKM, du V&A, et du Boerhaave Museum, il en ressort que sans protocole clair, ils.elles ne sauront pas comment prendre soin des oeuvres, problème auquel Anna cherche à répondre avec la blockchain. Elle apprend aussi à faire la distinction entre conservation, qui consiste à préserver l’histoire de l’objet, et préservation, qui consiste à garder l’objet intact et statique. Cependant, l’artiste semble penser qu’il y a également une crainte liée au terme “bio-art” à laquelle une solution possible serait simplement l’abandon du mot. En attendant, elle propose l’alternative suivante : rédiger un manifeste sur la façon de collectionner les objets de bio-art, résultant de ses recherches, un travail de longue haleine qui devrait voir le jour l’année prochaine.

Anna Dumitriu a choisi un des médiums les plus dociles reconnus par le monde muséal pour le rendre indiscipliné et indésirable.
Avec détermination et audace, elle repousse les limites de l’expertise de la conservation afin d’offrir une alternative pertinente pour toutes les œuvres de bio-art.
Artiste
Anna Dumitriu
Collaborateur.rice.s
Georgios Panagiaris - directeur du département des antiquités et objets d’art - Université West Attica
Athanasios Karabotsos - Université West Attica
Zoi Sakki - Présidente de l’Association des Conservateurs des Antiquités et Objets d’Art - Grèce
Veroniki Korakidou – Hellenic Open University and University of Thessaly
Helia Marçal – University College London
Athanasios Velios – University of Arts London
Alex May – University of Hertfordshire
Ekaterini Malea - Université West Attica
Maria Chatzidaki - Université West Attica
Andreas Sabatakos - Université West Attica
Alexis Stefanis - Université West Attica
Anastasios Koutsouris - Université West Attica
Leonidas Karampinis - Université West Attica
Artiste

“On reproche parfois à la science d'instrumentaliser l'art en tant qu'outil de communication, mais ce n'est pas vraiment ainsi que cela fonctionne. [...] mon travail s'inspire d'un engagement profond envers les nouvelles technologies, leur histoire et l'avenir qu'elles peuvent apporter". Là où l’art croise les sciences dites dures, nous pouvons rencontrer cette idée reçue largement répandue que la seule utilité de l’art est d’illustrer les données scientifiques. Dans ce milieu, les artistes chercheur.e.s se heurtent continuellement au cliché de la bohême et de l’art pour un simple usage esthétique. Pourtant beaucoup de projets issus de ces croisements ont prouvé l’intérêt de l’art, notamment par l’avancée des recherches sur des sujets scientifiques peu explorés et l’apport d’une vision alternative dans les domaines reconnus. Anna Dumitriu a passé le plus clair de sa carrière à le démontrer au grand public par la profusion de ses projets et la diversité de ses collaborations.
Née dans la banlieue de Brighton en Angleterre, Anna grandit à Hastings dans un milieu modeste. À l’école, elle s’intéresse aux sciences, particulièrement à la physique, mais abandonne la biologie à l’âge de 14 ans. L’étude des bactéries ne fait pas partie du programme pédagogique, elle préfère la physique nucléaire et l’archéologie qui la passionnent jusqu’à la terminale. Elle passe le BAC avec une spécialité en informatique, puis entre au Hastings College en Arts, devenant une des premières personnes de sa famille à poursuivre des études supérieures. Elle se forme ensuite à la peinture à l'Université de Brighton et part au début des années 1990 dans le cadre d’un voyage étudiant en Roumanie, où elle anime des ateliers dans des foyers pour enfants. Là-bas, elle fait une première découverte intrigante qui la marque et qui fera l’objet de son mémoire de licence : la fresque du Jugement Dernier du monastère de Voroneț. L'œuvre est célèbre pour le mystère qui a longtemps plané sur la recette du “bleu” utilisé, et pour le fait que les peintures sur les façades extérieures ont été mieux préservées que celles de l’intérieur pendant plus de cinq siècles.
Après avoir fini son master en peinture, elle commence à s’intéresser et explorer l’utilisation du World Wide Web, avant qu’il se répande dans nos foyers. À cette époque, il est lent et la qualité des informations est basique mais suffisante pour permettre à Anna de réaliser que les informations transmises par les médias n’est que partielle ; en 1996, une épidémie de Escherichia coli tue 21 personnes en Ecosse, et la bactérie, présentée comme un corps étranger, est diabolisée. En réalité, l'E. coli fait naturellement partie de notre microbiote intestinal. Seules certaines souches sont pathogènes pour l'organisme, mais elle n’est pas spécialement dangereuse. Intriguée par l’impact du manque d’information sur notre société, Anna décide d’en faire son cheval de bataille ; explorer les faits autour de sujets scientifiques recherchés, et mettre en lumière les données dont on entend jamais parler et qui pourraient changer notre perception du sujet.


Alors pour approfondir ses connaissances, l’artiste comprend que la collaboration avec les scientifiques est essentielle. Elle ne tarde pas à contacter des institutions en commençant par l’école de médecine près de chez elle. À ce moment, elle peint toujours mais elle s’inspire de revues scientifiques pour les thèmes de ses œuvres. Parmi ses premières collaborations, le Docteur John Paul, spécialiste en microbiologie médicale, avec qui elle entreprend un projet de livre de laboratoire. Au fil du temps, son processus de création évolue en même temps que les médiums employés, et s’inscrit de plus en plus dans le cadre scientifique, particulièrement en biologie.
Elle apprend à manipuler des systèmes vivants et en devenir pendant la fabrication de ses œuvres, et s’intéresse beaucoup aux maladies infectieuses ; elle touche aux pathogènes dangereux ce qui nécessite de les tuer en laboratoire et en présence d’un.e expert.e, pour des raisons de sécurité avant de les exposer au public. Bien qu’Anna s’immerge dans la recherche du sujet choisi, elle ne s’attache pas à une idée fixe et expérimente en manipulant les microbes. Elle interroge ses observations et fait ressortir les éléments qu’elle estime être pertinents, allant ainsi vers une concrétisation de la pièce. Une fois terminée, les microbes morts intégrés dans l'œuvre d’art font office de relique du processus de laboratoire.

La biologie fait maintenant partie intégrante de son art, mais Anna ne se contente pas de simplement la mélanger à la peinture. Désireuse de faire évoluer son art, elle se forme à l’artisanat à chaque fois que les besoins pour la création d’une pièce de Bio-Art se font ressentir. Ainsi, elle déploie ses compétences dans des domaines tels que la teinture naturelle ou la production de lin, et travaille directement avec des artisans, s'inspirant de Jeff Koons mais à la différence qu'elle veut apprendre leurs techniques et les utiliser elle-même. Par ailleurs, les influences de Constantin Brancusi se font ressentir sur le choix des matériaux, d’Alberto Burri sur les choix esthétiques, et d’Eduardo Kac, de façon plus générale, sur le mouvement Bio-Art.
En 2007, elle rejoint le European Mobile Lab for Interactive Art, un projet pionnier dans la collaboration entre artistes et scientifiques, financé par l’UE. Elle participe à des ateliers partout en Europe, et fait des rencontres importantes pour sa carrière ; en Grèce, elle fait la connaissance de personnes avec qui elle travaille aujourd’hui sur son projet Unruly Objects.
Ayant un attrait évident pour la culture digitale et les nouvelles technologies, l’artiste approfondit également son savoir-faire numérique et diversifie les collaborations ; elle effectue une résidence au Centre de neurosciences et de robotique de l’Université de Sussex, où elle découvre l’Artificial Life. Elle s'intéresse aux enjeux de l’IA et l’AL, et les intègrent régulièrement dans sa direction artistique.

Photo credit : Donghan Wang
Avec le temps, Anna complexifie ses médiums, ses interrogations et avec cela, la nature de ses œuvres d’art. L’archéologie et les objets historiques que nous voyons généralement dans les musées, prennent une part importante dans son travail ; elle s’en empare, les modifie pour leur donner une nouvelle vie remplie d’expositions. En 2014, elle expose Pneumothorax Machine, pièce faisant partie du projet The Romantic Disease, qui reprend la machine (du même nom) à comprimer les poumons des patients atteints de tuberculose. À son habitude, elle récupère un modèle ancien qu’elle sculpte, grave, et imprègne des bactéries relatives à l’usage d’origine. Dans le même registre, alors qu’elle est en résidence à l’université de Surrey, elle collabore avec un.e bio-archéologue pour la réalisation de aDNA (a = ancien) ; Anna se procure un fémur de bovin préparé par le département d’anatomie de la faculté de médecine, apprend à le sculpter pour y incorporer de l’ADN de tuberculose bovine, retrouvée dans des restes humains provenant du permafrost sibérien. La pièce a déjà fait l’objet de trois expositions juste cette année.
Finalement, en assurant les tournées d’expositions de ses créations, Anna fait connaître leur histoire au grand public, ce qui en quelque sorte correspond à la définition de conservation.
Car pour elle, l'œuvre d’art n’existe pas pleinement sans le contact d’une audience, la création et l’exposition vont de pair. Sans avoir besoin de verbaliser toutes ses idées, elle laisse les spectateur.rice.s l’interroger à leur tour à travers ses pièces. Aujourd’hui, elle expose dans les grandes institutions internationales, que ce soit dans les musées, centres d’arts ou instituts scientifiques tels que le CDC ou Waag Society. Déterminée à trouver des réponses, elle continue de développer des projets d’envergure et d’entretenir ses collaborations de longue date.

Au prime abord, Anna Dumitriu ne semblait pas prédestinée à devenir une pionnière des arts visuels spécialisée dans le Bio-Art.
En écoutant son instinct, elle a cassé l’image de simple illustratrice, et amené sa pratique à un tout autre niveau pour se faire une place parmi les grand.e.s artistes contemporain.e.s.
Perspectives

Quand il s’agit de mélanger l’art et la science, les résultats peuvent être étonnants. Les différents projets artistiques qui impliquent une recherche liée aux sciences nous montrent que les possibilités sont multiples ; les artistes s’intéressent à des sujets peu explorés car sans intérêt commercial, ou ils.elles vont au contraire creuser dans des domaines reconnus pour apporter une vision alternative, ou bien encore, il peut en résulter la création de mouvements et de médium propres. Nous savons que l’art a historiquement évolué en fonction des avancées technologiques, et donc des découvertes scientifiques, allant jusqu’à démocratiser les outils et les méthodes auprès du grand public. Le meilleur exemple contemporain serait celui de la culture digitale, dont l’évolution rapide mais certaine a profondément influencé les sociétés du XXe et XXIe siècle.
L’utilisation d’internet et l'avènement du web auront eu un impact majeur sur le monde entier. Ainsi, dans les années 1980, nous sommes entré.e.s dans l’ère de l’information. Ce n’est qu’une décennie plus tard que le phénomène prend de l’ampleur, si bien qu’aujourd’hui, l’afflux de données est devenu si conséquent, qu’il est de plus en plus difficile de déceler le vrai du faux. Pourtant, la fonction de stockage du web en fait toujours un outil indéniablement pratique et utile. La même chose est en train de se produire avec les NFT, devenus, eux, un médium artistique ; issus directement de la technologie blockchain, ils assurent la protection de données par leur caractère immuable, transparent et unique. Ces caractéristiques font tout l’intérêt des NFT comme solution potentielle aux enjeux liés à la préservation des savoirs, une question qui a fasciné des générations d’artistes et d’historiens à travers les siècles.

Alors comment fait-on pour garder le savoir? L’histoire occidentale nous raconte ses impasses improbables et ses fossés de connaissances d’une ère à l’autre. La machine d'Anticythère pourrait en être l’emblème ; Jusqu'alors, les invasions, les guerres et les croisades ont été la cause de la disparition des technologies avancées. Plus nous avancerons dans le temps, et plus les catastrophes environnementales gagneront une place sur le podium des causes d’extinction culturelles. L’archéologie joue un rôle clé dans la re-découverte des savoir-faire oubliés et des cultures ancestrales, mais ce sont certain.e.s artistes chercheur.e.s contemporain.e.s, comme Anna Dumitriu, qui prennent soin d’intervenir sur les problématiques persistantes liées. Et généralement, les réponses aux problèmes du passé ont tendance à varier avec le progrès technologique, dans un processus long et évolutif, comme un cycle paradoxal.
Quand les artistes entrent dans les phases d’expérimentations des nouvelles technologies, ils.elles produisent à foison pour en tester les limites et explorer les dérives et les résultats. Ceux-ci sont toujours fructueux ; les débouchés peuvent être spéculatifs mais néanmoins nous donnent à voir la concrétisation d’une possible solution ou revers futur. La plupart du temps, l’expérimentation tend à être banalisée en une nouvelle pratique artistique, comme les arts numériques l’illustrent si bien. Ainsi, il se pourrait bien que les NFT remplissent une mission bien plus importante qu’une simple vocation commerciale, et Anna fait partie de celles et ceux qui les appliquent à d’autres domaines d’intérêt.

Photo credit : Alex May
D’après l’artiste James Bridle, nous traversons un nouveau moyen-âge dans lequel nous modifions nos schémas de pensée pour intégrer toujours plus d’informations aveuglément. Heureusement, des artistes tel.le.s que Anna Dumitriu ont su se frayer un chemin dans la jungle numérique pour en tirer le meilleur, et nous pousser à réfléchir aux solutions constructives. Travaillant main dans la main avec les archéologues et les scientifiques, elle veille à nous remémorer les histoires oubliées et notre rôle pour notre futur commun, comme une gardienne de l’humanité.
Artiste
Anna Dumitriu