Tisztás
Projet

Transylvanie.. Ce nom évoque un monde empreint de magie dont les monstres mythiques font travailler notre imagination ; terrifiante, sanguinaire, nous l’associons à une image sombre et romantique, néanmoins inspirée du folklore local. En réalité, ce territoire logé entre les Carpates et les monts Apuseni au cœur de la Roumanie, regorge de paysages et de trésors naturels dignes des légendes qu’il abrite. Convoité par les peuples hongrois et roumain, sa culture et son histoire sont riches. Zalán Szakács s’intéresse aux sujets historiques qui suscitent la fascination par leur caractère obscur. Il déconstruit les éléments de mystère pour les reconstruire à travers une installation artistique immersive. Entre réalité et perception, Zalán nous offre une perspective de la région la plus énigmatique d’Europe.
La genèse du projet provient de l’intérêt personnel de Zalán pour la Transylvanie dont il est originaire, et de son attrait pour les sujets liés au mysticisme. ; cela faisait un moment que l’artiste souhaitait comprendre les raisons pour lesquelles ce territoire est associé aux phénomènes paranormaux, autant dans la culture populaire locale que globale. L’idée lui vient alors de créer une installation autour des mythes de la forêt à mettre en parallèle avec son écosystème naturel, et de fait, souligner son équilibre écologique fragile. Intitulée Tisztás, qui signifie déboisement en hongrois, elle renvoie à un espace de contemplation et d’introspection entouré d’arbres.
Sa pratique repose sur des méthodes de design et d’archéologie des médias ; quand il aborde un sujet, il regarde les recherches déjà existantes, puis décortique et analyse chaque élément pour en comprendre les différents aspects. Cela va du simple mécanisme d’un outil, jusqu’à son impact politique ou culturel. L'histoire de l’art l’aide à interpréter la façon dont la société a intégré le dispositif en question à un instant T, puis l’évolution de sa perception au fil du temps. Zalán cherche ainsi à en comprendre les effets sur nous-mêmes en tant que contemporains, la mémoire collective, et les technologies que nous utilisons. Une fois ce processus terminé, l’artiste reconstruit ces éléments dans une installation immersive et sensorielle à travers laquelle il transmet sa vision propre.
Alors voilà comment Zalán procède : il commence par s’informer sur les différentes localités et l'ethnographie, tout en laissant la place pour les découvertes qu’il fera lors de son voyage là-bas. Il entre ensuite en contact avec József Bartha, un curateur de Târgu Mureș, ville centrale de la région, qui l’épaule dans l’organisation du voyage en le mettant à son tour en contact avec les guides, et autres artistes, et le conseillant sur l’itinéraire. En effet, Zalán cherche à éviter les lieux touristiques et à se focaliser sur les zones rurales pour garantir au maximum l’authenticité des éléments à collecter. Une fois les étapes préliminaires du projet lancées, il s’entoure d’artistes et de chercheur.e.s européen.ne.s spécialisé.e.s ; vidéo, son, photographie, odorat, design. Nous sommes en juillet 2022, et l’équipe est prête pour une excursion dans la campagne roumaine qui va durer 10 jours.


Zalán prévoit le circuit, organise les rencontres, rédige les interviews, tout en se préparant aux imprévus. Dès que l’occasion se présente, le groupe s'imprègne de la nature pour vivre l’expérience pleinement et envisager l'impact de l'environnement sur les pratiques culturelles. Mais la présence d’un.e guide dans les zones rurales et montagneuses est recommandée pour assurer la protection du groupe contre les animaux sauvages, et pour communiquer avec les habitants des villages. L’absence d’informations et d’infrastructures contribuent à l’image d’une Transylvanie habitée par une nature étrange et dangereuse, dont seuls les autochtones connaissent les secrets. Le parcours devient petit à petit un voyage organique, dans lequel la spontanéité est de mise ; les trajets sont déviés, les rencontres repoussées, et de nouveaux personnages se greffent au groupe pour quelques heures.
Les lieux que le groupe s’apprête à découvrir ont une histoire riche de légendes urbaines, mythes, et de curiosités scientifiques. L’aventure débute dans le village de Câmpul Cetății, et ses alentours où ils font des prises de vues, des vidéos et des scans 3D LiDAR. Ici, ils travaillent à recréer un conte de fées qui dépeint un lac magique donnant la jeunesse éternelle. Mais le lac choisi par Zalán s’est changé en marécage, et annonce une nouvelle approche artistique jusque-là inexistante ; l’impact du réchauffement climatique, une vision qui accompagnera le groupe tout au long de leur séjour, et qui ne pourra pas être ignorée par la suite.

Les prochaines étapes sont les lacs volcaniques d’altitude Sfânta Ana, et Tinovul Mohoș, chacun sur un versant de montagne. Bien que liés par le même volcan, ces lacs sont opposés ; le premier était autrefois connu pour sa beauté, sa clarté et la richesse de l'écosystème qui l’entoure, tandis que l’autre, de couleur noire, est mortel autant pour la végétation que ceux.celles qui osent s’y aventurer trop près. Ce qui pourrait être la scène d’un film d’horreur, est en réalité un phénomène exceptionnel ; la noirceur est due aux strates de charbon formées par les blocs de cendres du volcan en éruption, et sa toxicité à la quantité de soufre présente. À force d’y perdre leur bétail, les villageois évitent les lieux. Ici, Zalán et l’artiste son en profitent pour enregistrer le son de l’eau ; sans minéraux ni oxygène, elle est silencieuse, une manifestation unique en son genre.
Quant à Sfânta Ana, la situation écologique se dégrade pour plusieurs raisons ; une espèce invasive de poissons et la prolifération des algues, qui serait due selon les dires, à l’administration communiste. L’engouement touristique n’a pas arrangé les choses.
Mais c’est dans les montagnes d'Harghita, dans la “Peștera Sulfuroasă” que l’équipe nous offre le meilleur exemple de création mythologique. On y voit des apparitions en tout genre, et le lieu a une réputation sinistre : beaucoup sont venu.e.s ici se donner la mort. En réalité, cette grotte est une mofette, c'est-à-dire une ouverture naturelle qui provient d’un volcan et dont des gaz naturels s’échappent. Dans ce cas-ci, ce sont de fortes émanations de soufre, reconnaissables par leur odeur nauséabonde, et la démarcation jaunâtre sur les murs. Aucune végétation n’y résiste non plus. Inhaler ce gaz peut être mortel, une solution simple pour ceux et celles atteint.e.s de maladies incurables et pour qui la médecine fut autrefois impuissante. Quand la température est élevée, le gaz provoque des mirages, expliquant les éventuels fantômes repérés près de la grotte. Aujourd’hui, ce lieu est devenu une station balnéaire, les émanations de gaz dans la grotte et des sources d’eau environnantes sont utiles aux traitements liés à la circulation sanguine.

L’excursion se clôt dans la vallée de Ghimeș, près de la Moldavie. Assez peu connu, on dit que la population vivait dans les forêts et les montagnes, à l’abri du monde et en parfaite liberté. Mais au 19e siècle, période marquée par l’instabilité politique et la révolution industrielle, les premières grandes lignes de chemin de fer sont construites et avec, les premières grandes déforestations. Pourtant, cette partie de la Transylvanie est relativement préservée. La diversité naturelle y est unique. La population est superstitieuse et méfiante, consciente de l’impact des histoires que le monde extérieur raconte sur leur région. Ainsi, Zalán a l’occasion d’interviewer les locaux sur les rituels et croyances, à condition d’être prudent avec le traitement des informations et de ne pas créer un nouveau “Dracula” ; il apprend de nouveaux rites, ou bien que la langue roumaine est préférée pour jeter des sorts, et que beaucoup de légendes liées à la forêt sont similaires. Seul leur nom est différent selon la partie de la région où nous nous situons.
Zalán travaille maintenant sur la réalisation d’un documentaire qui atteste le processus de recherche, et une esquisse de la future installation ; un paysage évolutif dans le temps grâce à l’utilisation de matériaux naturels, et la création d’éléments comme le vent ou la fumée. Chaque artiste de l’équipe se met à l'œuvre ; les extractions d’odeurs des plantes, les images et sons des paysages. Le but est de reconstruire l’atmosphère naturelle de la forêt transylvanienne et son ambiance mystique, tout en transmettant le caractère oppressant du désastre écologique, mais sans pour autant en faire pour autant une œuvre informative.

Zalán Szakács a choisi de défier notre perception de la complexe Transylvanie, pays tiraillé entre modernisme occidental et traditions ancestrales, dont l’image mystique est activement véhiculée par le monde entier.
En déclenchant les rouages de notre imagination par les sens, il nous invite au voyage et nous incite à accepter la part d’obscurité qui réside en chacun.e d’entre nous.
Artiste
Zalán Szakács
Crédit photo & vidéo
Tamás Bodó
Collaborateur.rice.s
Cocky Eek – mentor/spatial artist
BJ Nilsen - designer son
Klara Ravat – smell artist
Tamás Böjte - directeur de la photographie
András Gábor – camera
Orsolya Portik – styliste
Milla Kata Kovács – interprète
András Gáspár - guide touristique 1
István Albert - guide touristique 2
Csaba André - guide touristique 3
József Bartha - curateur Arteast B5 studio (Targu-Mures, Romania)
Artiste

Je veux créer des atmosphères ou des espaces temporaires pour le public qui, d'une certaine manière, permettent de s'échapper de la vie quotidienne, comme une parenthèse” Au-delà d’exprimer un message, un sentiment ou une critique, les artistes ont la faculté de créer des bulles grâce auxquelles nous pouvons faire l’expérience d’une réalité autre, dont nous n’avons pas connaissance. Zalán Szakács s’intéresse aux sujets obscurs, à la limite de l’étrange et du mystère. À travers ses installations et performances immersives, il nous raconte des histoires pourtant bien réelles ; invisibles et intouchables, ses œuvres mettent en alerte tous nos sens, dans une brèche de l’espace-temps.
Originaire de Târgu Mureș en Transylvanie, Zalán quitte le pays à l’âge de douze ans pour s’installer en Autriche, et faire l’école à Vienne. Il poursuit ses études supérieures à la Design Academy d'Eindhoven où il touche à l’architecture, au cinéma, storytelling et design des médias. Diplômé en média et communications, il entre ensuite au Piet Zwart Institute à Rotterdam en master de design des médias et édition expérimentale. Là-bas, il se forme à différents types de codes, à intégrer la responsabilité de l’artiste dans toutes les étapes du processus de création et à le rendre public. Il apprend à poser un regard critique sur la technologie, à comprendre son évolution et son influence sur la société et la politique. Pour son projet de fin d’études en 2019, Zalán cherche à combiner ses intérêts pour l’archéologie des médias et les performances visuelles.
Il jette son dévolu sur les lanternes magiques, ancêtre du projecteur ; sur le même principe que les diapositives, elles permettent de projeter des images peintes sur des plaques de verre grâce au système de camera obscura. La source de lumière artificielle provient d’une lampe à huile ou une chandelle, passe par la plaque, puis l’objectif qui consiste en une lentille concave, afin de projeter l’image peinte à l’envers. En faisant ses recherches, Zalán se heurte au monde mystérieux de la fantasmagorie, mais sa curiosité est d’autant plus égaillée quand il découvre qu’il s’agit en réalité d’une forme primitive de performance audio-visuelle. Sa particularité est que la projection se fait sur une toile ou de la fumée, et ses sujets sont macabres. Les projections se font dans un espace clos, dans la pénombre, rappelant les séances de spiritisme. Très populaires à Paris, à la fin du 18e siècle, les messages des sujets abordés sont intimement liés à la Révolution Française et plus généralement à l’instabilité politique de l’époque. Le public s’y rend pour vivre une expérience hors du commun, vivre l’horreur et pouvoir en rire, tout en s’y sentant en sécurité. Zalán trouve cet équilibre intéressant, et décide d’en faire un projet : Eigengrau.


C’est à ce moment qu’il développe des méthodes d’archéologie des médias ; il examine les textes théoriques, s’entretient avec des experts, visite des archives et musées qui possèdent des lanternes magiques et des diapositives originales dans leurs collections. Son but est de comprendre le monde derrière ces dispositifs, depuis le fonctionnement mécanique jusqu’à l’impact psychologique individuel, et plus largement sociétal. Il trouve ensuite une modalité de l’appliquer à notre époque, comme s’il faisait la traduction d’une langue morte vers une langue vivante. Zalán s’intéresse vivement à la culture de l’écran qui est souvent traité comme un medium, dans ce cas-ci la fumée. Il souhaite l’utiliser lui-même comme support dans un espace sombre, pour la narration de son œuvre. Il expérimente la technologie LED et cherche un moyen de spatialiser le son qui y sera associé. L’environnement sonore est conçu par Sébastien Robert qui fait des recherches sur l’origine des sons utilisés durant les fantasmagories.
Zalán tient son sujet, son medium et sait quelle technologie incorporer à son projet. Il conçoit des cercles de 3 mètres de diamètre en LED dont la lumière dresse les murs immatériaux, que le public pourra traverser, le tout, dans un espace clos et sombre. La fumée et le son ample et aigu utilisés dans l’installation contribuent à son caractère mystique, les visiteur.e.s qui se déplacent ne sont que des silhouettes. Pour l’artiste, l’expérience de Eigengrau est un premier projet d’envergure et pour lequel il travaille avec un groupe multidisciplinaire (son, chorégraphie, smell design, design produit, production, architecture, vidéo et photographie).

Zalán se passionne pour la création de situations dans lesquelles nous perdons la notion du temps et de l’espace. Selon lui, vivre ses expériences nous permet de nous reconnecter à nous-mêmes et provoquer des sentiments que nous ne vivons pas dans la vie ordinaire. L’obscurité est perçue différemment par chaque individu, aussi bien de façon métaphorique que scientifique ; le sentiment singulier d’être dans le noir, mais aussi les formes qui aparaissent lorsque notre vision s’y habitue. Il s’intéresse aussi au lien entre les sentiments, le corps et l'œuvre ; bien que libre d’interprétation, l'œuvre fonctionne si elle provoque un sentiment spécifique. Zalán fait des expériences également à titre personnel ; il s’entraîne aux rêves lucides, et fait des séances d’isolation sensorielle qui mettent généralement le corps dans un état de tranquillité, et laissent l’esprit vagabonder. Il s’inspire de son propre ressenti pour le retransmettre dans son travail tout en permettant au public d'explorer ses propres sentiments.
Pour chaque projet, Zalán trouve une occasion d’ajouter de la profondeur à la dimension immersive, et de tester de nouvelles expériences. Pour l’un de ses projets récents, Lichtspiel, il recherche l’utilisation des lanternes magiques avant la fantasmagorie ; en analysant chaque élément dans les représentations des lanternes et en traduisant les manuscrits du 17e siècle, il apprend qu’elles étaient utilisées à des fins de propagande par les Jésuites. Il cherche alors à déconstruire le mécanisme de la lanterne et reproduire l’ambiance spirituelle dans une nouvelle installation ; un espace clos qui invite à la médiation, voire le rêve lucide, par la sensation créée par la lumière provenant de l’extérieur. Après avoir expérimenté lui-même afin de comprendre les qualités de la lumière, Zalán est entré en conversation avec un physicien ; le but est de reproduire l’effet des lampes à huile avec des LED, et déterminer les emplacements des sources de lumières et lentilles.

Sur un autre registre, l’artiste a également réalisé un projet commissionné par un hôpital aux Pays-Bas, pour lequel il a dû repousser ses limites; Gloed, qui signifie “éclat” en allemand est supposée tenir 25 ans, et il ne peut pas utiliser de lumières stroboscopiques, de fumée ou de sons graves, éléments qu’il utilise d’ordinaire. Il trouve donc de nouveaux moyens de matérialiser son œuvre et collabore avec une entreprise qui produit des feuilles d’acrylique recyclées. Elles seront disposées près d’une baie vitrée dans le hall d’entrée, permettant à la lumière naturelle de frapper les feuilles et faire apparaître des motifs au sol, différents en fonction du moment de la journée. Cette fois, il se réfère à la technique du vitrail et, une fois de plus, fait évoluer sa palette de médiums immatériels.
Aujourd’hui, Zalán se focalise sur la réalisation de son dernier projet Tisztás, expose ses oeuvres entre les Pays-Bas, la Roumanie, l’Autriche et la Hongrie, et travaille sur la construction d’un pavillon gonflable au Eye Filmmuseum d'Amsterdam, entièrement dédié à Eigengrau.

La fantasmagorie a été un point de départ vers l’exploration des espaces illusoires, des technologies oubliées, et de l’expérience spirituelle.
De la fumée aux odeurs, en passant par la lumière, Zalán nous plonge dans un univers unique, comme un voyage dans un endroit où le temps s’est arrêté.
Perspectives

Avec seulement deux ou trois pays qui la séparent de l’occident, la Roumanie a conservé son caractère naturel, donnant presque l’impression par endroits qu’elle s’est arrêtée dans le temps il y a très longtemps. Sa faune et flore sont riches, et elle abrite la plus grande population d’animaux sauvages en Europe. Son histoire est cependant très complexe ; elle se situe à un carrefour de peuples et de cultures, où langues et alphabets se croisent, et où légendes et folklores se mêlent. Les mythes sont ancrés dans la culture orale, ils se transmettent de génération en génération et c’est dans les zones rurales que les peuples continuent de vivre ces histoires au quotidien ; la Transylvanie en est un parfait exemple.
Avant de se lancer dans son nouveau projet, Zalán Szakács fait quelques recherches sur le système de croyances local. Parmi ses références, le travail de l’ethnographe et folkloriste Éva Pócs, qui s’intéresse aux narrations des peuples catholiques parlant hongrois dans les villages roumains tels que Ghimes. Il prend connaissance des histoires miraculeuses et des superstitions, et comprend que paganisme et religion se confondent avec subtilité. Lors de son voyage, il cherche à rapprocher ces connaissances théoriques de la réalité ; il met un point d’honneur à privilégier les récits des habitant.e.s qu’il rencontre sur son chemin.

Bien que certains personnages aient des points de vue plus ou moins rationnels, plusieurs histoires sur la forêt reviennent et Zalán en retient quelques unes ; certain.e.s aperçoivent parfois une lueur au dessus des marais, d’autres avertissent que l’esprit d’une jeune femme rôde dans la forêt et rend les hommes fous, d’autres parlent du mauvais oeil.
Dans le folklore européen, ces lueurs sont des esprits de la forêt communément appelés will-o’-the-wisp, souvent mal intentionnés qui cherchent à conduire les voyageurs à leur perte. En Transylvanie particulièrement, on l’associe à un démon, Lidérc en hongrois, capable de s’introduire chez les habitant.e.s pour apporter malheur et éventuellement la mort. Quant au mauvais œil, bien qu’on le retrouve partout dans le monde, chaque peuple a ses rituels spécifiques ; dans la province de Ghimeș, à la frontière entre la Transylvanie et la Moldavie, les parents ou ancien.ne.s salissent le visage de leur enfants avec du charbon ou de la mamaliga (un plat à base de polenta) afin que le mauvais oeil ne les atteignent pas.
Pourtant, chaque mythe est lié à un phénomène qui peut s’expliquer par les sciences physiques ou humaines. La lumière associée au Lidérc résulte d’une réaction chimique naturelle. La bioluminescence est causée par l’émanation de composés chimiques pouvant provenir d’animaux en décomposition par exemple, et venant au contact de l’oxygène.
La fille de la forêt, ou Fata Pădurii (à ne pas confondre avec Muma Pădurii, la mère de la forêt), est une histoire effrayante, un phénomène tout aussi commun que le précédent ; elle empêche ceux et celles qui osent s’aventurer de partir trop loin et de se perdre. En Transylvanie les hivers sont longs, les nuits froides, les bêtes sauvages rôdent et les conditions de vie peuvent être dures. Contrairement aux pays occidentaux, les forêts sont laissées en l’état quand elles ne font pas l’objet de déforestation, et dans un environnement rural peu développé, la peur est un outil efficace pour préserver la sécurité des villageois.es.

Le mysticisme et les rites sont à la mode dans les domaines art science, et des nouveaux médias. Zalán l’explique par notre besoin inconscient de se lier les uns aux autres, et de renouer avec nous-mêmes. La magie et plus largement la spiritualité, est une des choses les plus intimes que nous ayons en nous. Nos croyances caractérisent notre besoin instinctif d’appartenance, et nos histoires personnelles, quand elles sont partagées, deviennent parfois les légendes qui s’inscrivent dans la mémoire collective.
Nous vivons dans une ère trouble ; aujourd’hui, plus que jamais, les mythes jouent un rôle essentiel dans la reconnexion à la nature et l’humanité.
Grâce aux artistes comme Zalán Szakács, nous pouvons continuer de les découvrir et de les vivre, à travers leurs yeux et avec poésie.
Artiste
Zalán Szakács
Crédit photo & vidéo
Tamás Bodó